Hédo métaphysique du printemps.
Le mot « monade », qui relève de
la métaphysique, signifie, étymologiquement, « unité » (μονάς monas). C'est l'Unité parfaite qui est le
principe absolu. C'est l'unité suprême (l'Un, Dieu, le Principe des nombres), mais
ce peut être aussi, à l'autre bout, l'unité minimale, l'élément spirituel
minimal. Plus subtilement, la notion de monade évoque un jeu de miroirs entre
l'Un, la Monade
Le monadisme, vitaliste, s'oppose à l'atomisme,
qui est mécaniste. La science des monades s'appelle
« monadologie » ; ce néologisme vient, non de Leibniz, mais de
Erdmann, l'éditeur de Leibniz en 1840.
Chez les pythagoriciens, surtout
chez Philolaos et Archytas, la Monade la Décade
« Le
principe de toutes choses est la Monade. Venant la Monade la Dyade la Monade la Monade la Dyade
Archytas
et Philolaos usent indifféremment des termes 'un' et 'monade' » (Théon de
Smyrne, Exposé des connaissances mathématiques utiles à la lecture de Platon).
Platon appelle ses Idées
« Monades » (unités), dans la mesure où chaque Idée (le Juste, le
Beau, l'Abeille en soi...) est une Forme sans multiplicité ni changement, un
Modèle unique, un principe d'existence et de connaissance.
« Quand
c'est l'Homme dans son unité qu'on entreprend de poser, ou le Boeuf unique, le
Beau unique, le Bien unique, alors l'immense peine qu'à propos de ces unités et
de celles qui sont du même ordre on se donne pour les diviser donne lieu à
contestation. De quelle manière ? En premier lieu, sur le point de savoir
si l'on doit admettre pour des unités (monadas) de cet ordre une
véritable existence ; en second lieu, de savoir cette fois comment ces
unités, dont chacune existerait toujours identique à elle-même et sans être
sujette ni à naître ni à périr, gardent intégralement, de la façon la plus
stable, cette unicité qu'on leur attribue » Speusippe, qui succéda à
Platon à l'Académie, soutient que le premier principe est l'Un, au-dessus de
l'être, et que la monade concerne les nombres.
Les néoplatoniciens pythagorisants (comme Syrianos, Nicomaque de Gerasa, Jamblique de Tyr)
ont assimilé le Un à la
Monade.
« Chez les néoplatoniciens chrétiens
(Théodoric de Chartres, Dominique Gundisalvi), le mot Monade désigne Dieu comme
unité ultime et essentielle »
« Le concept de monade est utilisé par Nicolas de Cues, chez qui il
désigne un microcosme, une unité en miniature, un miroir du tout »
Philosophie moderne (après 1600) [modifier]
En 1591, à Francfort, Giordano Bruno a
écrit en latin deux poèmes sur la monade : Du triple minimum (De
triplici minimo) et De la monade, du nombre et de la figure (De
monade, numero et figura). Il appelle minimum ou monade une entité
indivisible qui constitue l'élément minimal des choses matérielles et
spirituelles. Dieu, minimum et maximum, est la Monade
« Dieu
est la Monade
Il y a un triple minimum : la monade
correspond au point en mathématiques et à l'atome en physique. Elle est l'être
primitif, impérissable, de nature aussi bien corporelle que spirituelle, qui
engendre, par des rapports réciproques, la vie du monde. C'est une
individualisation extrinsèque de la divinité, existence finie, elle est un
aspect de l'essence infinie. Certains ont vu là du panthéisme (tout est divin),
d'autres du perspectivisme (chaque chose exprime le tout à sa façon).
Mathématicien et philosophe chrétien, Leibniz considère
que le monde est fait de monades. Il en parle à partir de 1696. Son livre clef
est, sur ce thème, la Monadologie,
écrit en français en 1714, publié en 1840. Tout être est soit une monade soit
un composé de monades. Quant à leur nature, les monades sont des substances
simples douées d'appétition et de perception. Quant à leur structure, ce sont
des unités par soi, analysables en un principe actif appelé « âme »,
« forme substantielle » ou « entéléchie », et en un
principe passif, dit « masse » ou « matière première ».
Quant à leur expression, les monades sont chacune un miroir vivant,
représentatif de l'univers, suivant leur point de vue. Quant à leur hiérarchie,
les monades présentent des degrés de perfection : a) au plus bas degré,
les monades simples ou « nues » se caractérisent par des perceptions
inconscientes. Elles contiennent toutes les informations sur l’état de toutes
les autres, mais n’ont ni conscience ni mémoire. Ce sont les monades des
minéraux et des végétaux ; b) puis viennent les monades sensitives, douées
de perceptions conscientes et de mémoire et qui imitent la raison. Telles sont
les monades des animaux ; c) les monades raisonnables se distinguent par
la conscience réfléchie (« aperception ») de leurs perceptions, qui
entraînent la liberté. C’est le cas des monades humaines ; d) ensuite les
anges ; e) Dieu, dira Hegel, est la Monade
« La
monade, dont nous parlerons ici, n'est autre chose qu'une substance simple, qui
entre dans les composés ; simple, c'est-à-dire sans parties... Ces monades
sont les véritables atomes [les indivisibles] de la nature et, en un mot, les
éléments des choses... Les monades n'ont point de fenêtres, par lesquelles quelque
chose y puisse entrer ou sortir [les actions de l'extérieur ne peuvent la
modifier]. »
Xénia
Atanassiévitch, La doctrine métaphysique et géométrique de Bruno exposée
dans son ouvrage 'De triplici minimo' , Belgrade, 1923.
Giordano Bruno, Du
triple minimum et de la mesure (De triplici minimo et mensura (1591), De
la monade (De monade) (1591) : Opere latine di Giordano Bruno,
édi. par C. Monti, Turin, UTET, 1980.
Charles H. Kahn, Pythagoras and the Pythagoreans, Hackett
Publishing, 2001.
Leibniz, Système
nouveau de la nature et de la communication des substances (1695) ; La
monadologie (1714) Monadologie,
in Leibniz, Discours de métaphysique. Monadologie, édi. par Michel
Fichant, coll. "Folio", 2004.
A. Sheppard, Monad and Dyad as Cosmic Principles in Syrianus, in
H. Blumenthal et A. Lloyd (édi.), Soul and the Structure of Being in Late
Neoplatonism, Liverpool, 1982, p. 1-14. Syrianos est un
commentateur néoplatonicien d'Aristote.
Gilles Deleuze, Le
pli. Liebniz et le Baroque, Les Éditions de Minuit, Paris, 1988.